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Qu’est-ce que la Garde côtière canadienne et quel est son rôle[1]?

La Garde côtière canadienne (GCC) est un organisme issu du gouvernement fédéral (sous l’égide du ministère Pêches et Océans Canada (MPO)) qui possède et exploite la flotte civile du gouvernement et fournit des services maritimes[2] afin de garantir des voies navigables sécuritaires et accessibles. Elle joue un rôle prépondérant dans l’exploitation et le développement durables des voies navigables du Canada et des océans, notamment en fournissant des services maritimes aux usagers des voies navigables et en soutenant la recherche océanographique.

Le mandat de la GCC est énoncé dans la Loi sur les océans et la Loi sur la marine marchande du Canada (partie 5) qui exposent également les services dont le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne a la responsabilité. En outre, la Loi sur les océans définit les responsabilités et pouvoirs du ministre en ce qui a trait à l’hydrographie et aux sciences de la mer (partie 3).

Les services fournis par la GCC sont essentiels parce qu’ils participent à la sécurité de la navigation, réduisent la formation d’embâcles et les inondations et maintiennent les routes de transport maritime commercial (transport de marchandises et transport de personnes tel que les services de traversier).

Le service de déglaçage : à qui sert-il et dans quels buts?

De décembre à mai, des brise-glaces et des aéroglisseurs interviennent le long de la côte Est du Canada, de Terre-Neuve à Montréal, et dans les Grands Lacs.

De la fin juin au début novembre, des brise-glaces sont en service dans l’Arctique pour aider la marine marchande et amener des navires jusqu’aux collectivités isolées.

Les services de déglaçage sont fournis selon l’ordre de priorité suivant :

  1.  Les cas urgents et de détresse;
  2.  A) Les demandes relatives au service de traversier dispensés conformément aux termes de l’union avec Terre-Neuve[3];
    B) Les demandes relatives à tout autre service de traversier;
  3. Les navires transportant des cargaisons vulnérables (marchandises dangereuses, à risque de pollution ou périssables), ainsi que les navires transportant des marchandises essentielles à la survie de certaines localités;
  4. Les navires de passage et les bateaux de pêche;
  5. Le dégagement des ports de pêche.

En hiver, lorsque les eaux de la région des Grands Lacs, du fleuve Saint-Laurent, de l’estuaire, du golfe ainsi que de la région de Terre-Neuve-et-Labrador sont recouvertes de glace, la GCC fournit des services de déglaçage et de gestion des glaces afin de soutenir le déplacement sécuritaire et efficace des navires commerciaux, bateaux de pêche et traversiers. La disponibilité de ces services permet à l’industrie maritime de planifier ses activités et de naviguer de façon sécuritaire sans risquer de voir un navire pris dans les glaces.

Le déglaçage des voies maritimes est essentiel à la bonne marche de plusieurs secteurs économiques car du transport maritime dépendent bon nombre d’activités commerciales, sans lequel celles-ci ne seraient pas en mesure de perdurer pendant l’hiver. Il suffit de penser à tous ces produits consommés régulièrement et qui ne proviennent pas du Québec ou même du Canada (fruits exotiques, articles électroniques, vins français, italiens, argentins, australiens, etc.), à ceux qui sont transformés ici mais dont la matière première est importée  telle que l’orge qui entre dans la fabrication de bières (de micro-brasserie), l’alumine à partir de laquelle on produit de l’aluminium avec lequel seront fabriqués des matériaux de construction, des articles de plein-air tels que des canots, etc.

En outre, et ce tout au long de l’année, le déglaçage joue un rôle prépondérant de soutien aux communautés isolées de l’Est du Canada, de Terre-Neuve et de l’Arctique permettant de garantir le passage des navires qui ravitaillent (en marchandises et carburants) ou déplacent des personnes issues de ces communautés.

Parmi les brise-glaces déployés dans le nord du Canada, pendant l’été, en plus de soutenir la navigation maritime, l’un est affrété par des équipes de recherche qui effectuent des missions scientifiques. Il s’agit du NGCC Amundsen, qui, depuis 2003, est loué par la communauté scientifique qui y a investi 97 M$ pour l’exploitation et la maintenance des installations de recherche à bord.

La flotte de brise-glaces et d’aéroglisseurs de la Garde côtière

De quoi est-elle composée?

La GCC dispose d’une flotte de 14 brise-glaces dans les eaux de l’Est du Canada[4]:

Deux (2) brise-glaces lourds 

  • Louis Saint-Laurent (49 ans)
  • Terry Fox (34 ans)

Quatre (4) brise-glaces moyens :

  • Amundsen (39 ans)
  • Des Groseilliers (36 ans)
  • Henry Larsen (31 ans)
  • Pierre Radisson (40 ans)

Huit (8) brise-glaces légers : 

Photo credit: Georges Lawson
  • Sir Wilfrid Laurier (32 ans)
  • Edward Cornwallis (32 ans)
  • George R. Pearkes (32 ans)
  • Ann Harvey (31 ans)
  • Martha L. Black (32 ans)
  • Sir William Alexander (32 ans)
  • Griffon (48 ans)
  • Samuel Risley (33 ans)
  • Earl Grey (32 ans)

Deux (2) aéroglisseurs :

  • Mamilossa
  • Sipu Muin

Les aéroglisseurs sont utilisés pour la prévention d’embâcles et pour casser les battures afin d’assurer la sécurité de la navigation.

Dans quel état est-elle?

L’âge moyen des brise-glaces de la GCC se situe autour de 38 ans quand la durée de vie utile moyenne d’un navire est d’environ 40 ans. Du fait de l’âge avancé et de l’état de la flotte plusieurs de ces brise-glaces nécessitent des réparations diverses et parfois le changement de leur système de propulsion. Des travaux pendant lesquels les navires ne sont pas disponibles pour le service.

Les travaux d’entretien et de prolongement de vie des navires prévus jusqu’en 2021-2022[5], soustrairont, chaque année, 1 ou 2 navires de la flotte pour des périodes prolongées.

Et, à ces travaux de maintenance planifiés s’ajoutent des bris imprévus qui, à leur tour, rendent les navires non opérationnels. De plus, l’âge avancé des navires fait en sorte que ces bris imprévus ont tendance à être de plus en plus fréquents.

Sur la période 2011-2016[6], le niveau de service dispensé, pendant la saison hivernale dans le Sud du Canada, était 21,4% en-deçà du niveau de service nécessaire au bon fonctionnement du trafic maritime. Si l’on segmente cette statistique par région géographique, on obtient un écart de l’ordre de 30 % pour la région des Grands Lacs, de 12 % pour la région de la Voie maritime au golfe et de 31% pour la région Baie-des-chaleurs/Détroit de Northumberland/Terre-Neuve-Labrador.

Pour la période 2017-2022, l’écart appréhendé entre les besoins et le niveau de service anticipé se situe autour de 18,5% pour l’ensemble des secteurs géographiques du sud du Canada pendant la saison hivernale. Cette prévision, ne tient pas compte de bris qui pourraient survenir de façon imprévue[7] ou encore de conditions météorologiques particulières comme ce fut le cas pendant l’été 2017 où la mission de recherche d’Amundsen Science a dû être annulée afin de porter secours à Terre-Neuve où les conditions de glace étaient très importantes alors que tous les brise-glaces étaient en maintenance.

 

Quels impacts cette situation entraîne-t-elle?

Au niveau de la sécurité :

Un défaut de déglaçage ou un déglaçage insuffisant de la voie navigable met en péril la sécurité de la navigation notamment parce qu’un navire pourrait rester pris dans les glaces ou dériver parce qu’il ne serait pas en mesure de naviguer sur une voie libre de tout obstacle (glace ou embâcle).

Une telle situation met également en péril la sécurité de l’équipage à l’intérieur du navire ainsi que celle du public advenant le cas où le navire à la dérive frapperait une infrastructure (ex : pont).

Par ailleurs, l’âge avancé de la flotte, bien qu’elle soit entretenue et qu’un plan de prolongement de la vie utile soit en cours, laisse prévoir des bris inattendus qui compromettent la disponibilité des brise-glaces ainsi que leur efficacité dans les tâches à accomplir.

Finalement, un déglaçage inadéquat peut entraîner la formation d’embâcles, lesquelles peuvent empêcher la Garde côtière de réagir de façon appropriée et ainsi, entraîner des inondations particulièrement au printemps lors de la fonte des glaces, lesquelles mettent en péril la sécurité des citoyens.

 

En termes économiques :

Un chenal de navigation qui n’est pas déglacé de façon optimale entraîne des répercussions sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement (chaîne logistique incluse). On peut penser, notamment, à des ruptures de la chaîne d’approvisionnement des industries de transformation, lesquelles peuvent mener à des mises à pied temporaires, à des retards de livraison, à des pertes de contrats, à une augmentation des prix de vente et plus encore.

En outre, cela peut affecter la réputation de la voie navigable quant à sa fiabilité et faire en sorte que des expéditeurs préféreront le transport routier ou le transport ferroviaire ce qui aura pour effet d’augmenter la congestion terrestre ainsi que les émissions de gaz à effet de serre. Quant aux lignes maritimes étrangères qui utilisent le Saint-Laurent, si la situation en hiver est imprévisible, elles opteront pour d’autres axes maritimes pour l’acheminement de leurs produits.

En outre, les inondations consécutives à la formation d’embâcles peuvent causer de nombreux dégâts et donc entraîner des coûts importants pour les citoyens, compagnies d’assurance, municipalités, etc.[8]

 

Sur la recherche scientifique :

Le manque de disponibilité des brise-glaces et l’ordre de priorité des interventions de la Garde côtière canadienne font en sorte que les périodes pendant lesquelles ceux-ci devraient servir à des fins de recherche scientifique sont raccourcies, faisant perdre autant de journées en mer pour le relevé de données scientifiques. Une telle situation entraînant des retards de publication d’articles scientifiques, de soutenance de thèses de doctorat, de mémoires de maîtrise et aboutissant, ultimement, en la perte de subvention et donc, l’abandon de projets de recherche.

Par ailleurs, c’est également la réputation internationale de la recherche scientifique canadienne en Arctique qui en pâtit, notamment lorsqu’il s’agit de projets menés par des groupes de chercheurs provenant de différentes universités.

 

Sur les communautés isolées :

Finalement, le manque de disponibilité de brise-glaces engendre deux types de répercussions sur les communautés isolées de l’Est du Canada, de Terre-Neuve-et-Labrador et de l’Arctique:

  • Des répercussions économiques

Le défaut de déglaçage adéquat menace le ravitaillement de ces communautés en carburant, mettant en péril leurs déplacements ainsi que les activités économiques qui en ont besoin.

En outre, cette situation met en péril toutes les compagnies qui utilisent le transport maritime pour importer des marchandises nécessaires à leur activité ou pour exporter celles qui en sont issues.

  • Des répercussions sociales

Le transport maritime étant le mode de transport privilégié dans un environnement où les conditions météorologiques sont difficiles et où les infrastructures routières sont peu nombreuses, le manque de brise-glaces compromet la survie des communautés dont le ravitaillement en marchandises diverses dépend très largement.

 

SOURCES:

[1] Cette section a été rédigée à partir des informations collectées sur le site Internet de la Garde côtière canadienne, consulté le 28 juin 2018. Source : [En ligne: http://www.ccg-gcc.gc.ca/fra/GCC/Mission]

[2] Les services maritimes sont destinés à assurer la sécurité, la rentabilité et l’efficacité du déplacement des navires dans les eaux canadiennes. Il s’agit entre autres des services suivants : escorte, dégagement des ports, entretien des voies de navigation, diffusion d’information sur les glaces, etc.

[3] La région de l’Atlantique comprend la région des Maritimes et la région de Terre-Neuve et Labrador. Source : Garde côtière canadienne – Région de l’Atlantique [En ligne : http://www.ccg-gcc.gc.ca/region-atlantique. Consulté le 5 juillet 2018]

[4] Source : site Internet de la Garde côtière canadienne. [En ligne : http://www.ccg-gcc.gc.ca/CCMN-Deglacage/Annexe-B. Consultée le 28 juin 2018.]

[5] Garde côtière canadienne, calendrier d’entretien de la flotte de brise-glaces pour la période 2018-2027. [En ligne : http://www.ccg-gcc.gc.ca/Flotte/Entretien-navires]

[6] Garde côtière canadienne, Besoins en brise-glaces, Annexe A, [En ligne : http://www.ccg-gcc.gc.ca/Deglacage/Besoins-brise-glaces/Annexes. Consulté le 5 juillet 2018]

[7] À titre d’estimation, entre 2013 et 2015, les brise-glaces de la Garde côtière ont été non-opérationnels, pour des raisons imprévues, pendant 344 jours, soit près d’une année complète. Source : Radio-Canada, 2 novembre 2016, Marc Godbout, Québec prévient Ottawa que la dégradation des brise-glaces met en péril la Stratégie maritime. [En ligne : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/812370/brise-glaces-garde-cotiere-compromettent-commerce-saint-laurent]

[8] Au printemps 2017, des inondations importantes avaient fortement touché le Québec de l’Outaouais jusqu’à la Gaspésie. Voir le dossier de Radio-Canada consacré à cet événement. [En ligne: https://ici.radio-canada.ca/sujet/inondations-printemps-2017. Consulté le 18 juillet 2018 ]

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